vendredi 24 février 2012

Baudelaire et Le Libraire...

Il y a de cela quelques temps, je faisais l'acquisition d'un petit lot d'ouvrages ayant pour sujet cette marotte extra-littéraire mais au combien bibliophilique : l'ex-libris. Histoire de l'ex-libris, ex-libris de graveurs célèbres ou  non, ex-libris de médecins et de pharmaciens, bref, un beau panorama général du sujet. J'appris au passage que l'un des tous premiers à écrire sur le sujet n'est autre que l'éditeur de Baudelaire, Auguste Poulet-Malassis : Les ex-libris français, des origines jusqu'à nos jours...(Rouquette, 1874). 
 

L'un des volumes, relié sans doute par un amateur (ou un "relieur de province" comme disent les parisiens) d'une vilaine basane portait au dos la simple mention "Ex-libris". Le début de l'ouvrage proposait une collection de la revue l'Ex-libris contenant de fort belles reproductions à l'eau-forte de marques de possessions de personnages célèbres. Je ne manquais pas de relever de jolies contributions de Félix Vallotton à cette passionnante revue. Poursuivant plus avant la consultation du volume je découvre un second opuscule relié à la suite : "Ex-libris imaginaires et supposés de personnages célèbres anciens et modernes", suite de 35 planches gravées à l'eau-forte, Paris, 1895, L. Joly Bouquiniste et Éditeur. Cette série tout à fait fantasques d'ex-libris pour lequel l'adjectif "supposés" n'est là que pour apporter qu'un peu plus de piquant à la chose s'ouvre, cela va de soit, sur 
l'ex-libris du premier bibliophile (ou supposé tel !) : Adam. 

Une bonne part de l'album est consacré aux grandeurs littéraires du XIXème siècle : Hugo, Musset, Dumas, Edgar Poe et...Baudelaire. Un masque-portrait de l'auteur des Fleurs du Mal encadré d'un crâne et d'un serpent, le tout surmonté de la mention : "Ex-libris Ch. Baudelaire". Sympathique. On sait que Baudelaire n'avait pas d'ex-libris. La seule marque de possession visible sur les ouvrages de sa bibliothèque qui nous soit parvenus sont ses initiales en pied de ses reliures. Un simple et sobre C.B.doré apposé le plus souvent par Lortic, relieur qu'il partageait avec son éditeur.

J'avais déjà rencontré cet ex-libris. Il ne me fallut pas longtemps pour en retrouver la trace. J'attrapais le volumineux catalogue du "grand libraire" intitulé "Stendhal, Baudelaire, Balzac, Hugo..." (2003) et lisait avec un mélange de stupéfaction et de consternation saupoudré de honte pour ma profession la notice du N°92 que vous pouvez voir ci-dessous dont il faut retenir l’accroche :  "L'ex-libris, inconnu à ce jour, de Baudelaire".

 
L'ex-libris en question, dûment décrit et mesuré est apposé au verso de la première garde d'une édition originale des Fleurs du Mal. Le prix demandé pour l'exemplaire "supposé" de Baudelaire : 650.000 €.

Peut-on croire que le grand libraire, doté d'une des documentations bibliographiques les plus fournies sur tous les sujets comme l'attestèrent les quatre journées nécessaires à la dispersions de celle-ci, ait pu croire une seconde à cet ex-libris ?

Quelle tristesse, la "merveille", le merle blanc, ne se laissa pas apprivoiser par le magna de l'informatique américain ou le fabricant de centrales nucléaires nippon....Triste déchéance, l'exemplaire fut cédé pour seulement 10.656 €, soit environ deux fois le prix qu'il avait coûté en vente courante au "grand librairie" ; mais somme toute un prix "normal" pour une originale des Fleurs. (N°289 Vente N°6 "80 ans de passion" 2007). Je ne vous ferai pas l'économie de la truculence du commentaire de la notice : "Ex-libris fictif apposé - probablement par jeu (quel blagueur le Pierrot !) et sans intention délictueuse (bah voyons !) - par un possesseur inconnu qui rêvait à l'impossible et dont hérita une très jolie femme. A prendre au second degré ou à supprimer..." Quatre années séparent la notice du catalogue à prix marqué et celle de la vente à l’Hôtel Drouot. Édifiant, non...? On se demandera seulement laquelle des deux notices est la plus cynique...

Addenda : l'ex-libris en question est de la main du peintre et graveur Suisse, Félix Vallotton (1865-1925).

Ex-libris du premier bibliophile

Il en fallait bien un pour commencer...

jeudi 2 février 2012

Le Cabinet des fées, un ouvrage illustré érotique ?


Le "Cabinet des fées, ou collection choisie des contes de fées, et autres contes merveilleux", publié sous la direction de Charles-Joseph Mayer entre 1785 et 1789 doit incontestablement sa réputation aux merveilleuses illustrations de Clément-Pierre Marillier. 
 
Mayer avait délibérément mis de coté les contes licencieux ou grivois si en vogue au XVIIIème siècle pour laisser la place aux bien innocents contes de fées que les bonnes mères pourraient raconter à leurs chères petites têtes blondes poudrées à frimas. Bien sûr, la psychanalyse n'était pas encore passée par là et c'est en toute innocence que celles-ci racontaient les pires horreurs...enfin, du point de vue psychanalytique...

Lorsque l'on découvre les illustrations du Cabinet, on reste (agréablement) surpris du nombre de poitrines dénudées, de poses alanguies. Pas un volumes n'est exempt de charmes féminins offerts au lecteur et ce, même lorsque le texte est dénué de toute évocation suggestive. Faut-il y voir les fantasmes à peine déguisés de l'illustrateur ou une volonté bassement commerciale du librairie-éditeur? Je vous en laisse la libre interprétation.
Pour en savoir un peu plus sur le Cabinet des fées, je vous recommande cet article documenté de Jean Stouff.