"Un bibliophile est toujours, par certains cotés, un bibliomane.
Un bibliomane n'est jamais un bibliophile.
Un bibliomane n'est jamais un bibliophile.
Il y a dix ans à peine, ces deux axiomes auraient suffi pour qu'on pût opérer un classement dans le clan restreint des "hommes de livres". Aujourd'hui, il n'y a presque plus de bibliomanes, il reste un nombre infime de bibliophiles, et il éclot une nuée de trafiquants.
Ces derniers ont conscience qu'il forment une espèce nouvelle puisqu'il se sont donné un titre nouveau : ce sont des Amateurs.Plusieurs catalogues de ventes récentes l'affirment pompeusement : "Livres appartenant à la bibliothèque d'un amateur". Le personnage est, en général, un acheteur aisé qui, avant d'acquérir un livre, s'enquiert si l'édition montera ou baissera. Il place des volumes en rayon comme il déposerait des valeurs en banque. Le marché des livres qui avait dégénéré en foire, n'a pas tardé à devenir une Bourse.
Jadis, on faisait ses humanités ; et le possessif "ses" exprimait ingénument qu'on s'était assimilé la moelle du vieil os classique.
Ayant aimé l'étude, on trouvait plaisir à relire : et comme le goût était affinée, on s'entourait d'édition correctes, curieuses ou rares. Ce n'était donc qu'en dernier lieu, et par fantaisie, qu'on recherchait les éditions originales.
Cette recherche est devenue la marque distinctive de l'Amateur ; elle le dispense de deux qualités propres à l'ancien bibliophile : le goût et l'imagination.