Il y a de cela quelques temps, je faisais l'acquisition d'un petit lot d'ouvrages ayant pour sujet cette marotte extra-littéraire mais au combien bibliophilique : l'ex-libris. Histoire de l'ex-libris, ex-libris de graveurs célèbres ou non, ex-libris de médecins et de pharmaciens, bref, un beau panorama général du sujet. J'appris au passage que l'un des tous premiers à écrire sur le sujet n'est autre que l'éditeur de Baudelaire, Auguste Poulet-Malassis : Les ex-libris français, des origines jusqu'à nos jours...(Rouquette, 1874).

l'ex-libris du premier bibliophile (ou supposé tel !) : Adam.
Une bonne part de l'album est consacré aux grandeurs littéraires du XIXème siècle : Hugo, Musset, Dumas, Edgar Poe et...Baudelaire. Un masque-portrait de l'auteur des Fleurs du Mal encadré d'un crâne et d'un serpent, le tout surmonté de la mention : "Ex-libris Ch. Baudelaire". Sympathique. On sait que Baudelaire n'avait pas d'ex-libris. La seule marque de possession visible sur les ouvrages de sa bibliothèque qui nous soit parvenus sont ses initiales en pied de ses reliures. Un simple et sobre C.B.doré apposé le plus souvent par Lortic, relieur qu'il partageait avec son éditeur.

L'ex-libris en question, dûment décrit et mesuré est apposé au verso de la première garde d'une édition originale des Fleurs du Mal. Le prix demandé pour l'exemplaire "supposé" de Baudelaire : 650.000 €.
Peut-on croire que le grand libraire, doté d'une des documentations bibliographiques les plus fournies sur tous les sujets comme l'attestèrent les quatre journées nécessaires à la dispersions de celle-ci, ait pu croire une seconde à cet ex-libris ?
Quelle tristesse, la "merveille", le merle blanc, ne se laissa pas apprivoiser par le magna de l'informatique américain ou le fabricant de centrales nucléaires nippon....Triste déchéance, l'exemplaire fut cédé pour seulement 10.656 €, soit environ deux fois le prix qu'il avait coûté en vente courante au "grand librairie" ; mais somme toute un prix "normal" pour une originale des Fleurs. (N°289 Vente N°6 "80 ans de passion" 2007). Je ne vous ferai pas l'économie de la truculence du commentaire de la notice : "Ex-libris fictif apposé - probablement par jeu (quel blagueur le Pierrot !) et sans intention délictueuse (bah voyons !) - par un possesseur inconnu qui rêvait à l'impossible et dont hérita une très jolie femme. A prendre au second degré ou à supprimer..." Quatre années séparent la notice du catalogue à prix marqué et celle de la vente à l’Hôtel Drouot. Édifiant, non...? On se demandera seulement laquelle des deux notices est la plus cynique...
Addenda : l'ex-libris en question est de la main du peintre et graveur Suisse, Félix Vallotton (1865-1925).
Addenda : l'ex-libris en question est de la main du peintre et graveur Suisse, Félix Vallotton (1865-1925).