mercredi 31 août 2011

A table avec Charles Monselet (recette pour Noëmie !)

Charles Monselet par  Etienne Carjat

"Un jour Monselet s'aperçut que son ventre prenait une rotondité sérieuse. A l'entendre, le hasard seul, et non l'intempérance, a produit cet excès d'obésité.
Je suis trop poli pour le contredire.
Néanmoins il y aurait quelques arguments à l'appui de l'opinion contraire.
D'abord on pourrait invoquer le fameux axiome : « Le style c'est l'homme. » Un auteur dont vous lisez un livre, y trahit presque toujours ses goûts et ses tendances. Qu'est-ce que la Cuisinière poétique, publiée chez Hetzel ? Qu'est-ce que L’Almanach des gourmands, devenu double et devenu triple par des récidives inexplicables ?"
Eugène de Mirecourt, Charles Monselet, Librairie des contemporains

Puchero espagnol

  Décidément, j’accuse les savants de s’être trompés : c’est bien sûr pour cet été un jour quelconque, à une heure encore inconnue, que doit paraître la comète, car la chaleur insolite qui subito est arrivée, justifie assez ces prévisions. Or, donc, s’il faut passer de vie à trépas, en forme de rôti au soleil, tâchons d’être un rôti gras, dodu, afin d’être mangé par quelque divinité de l’autre monde, ce qui me semblerait moins désagréable que d’être avalé par quelques roturiers de l’empire de Satan.
  Mais, à propos de quoi, je vous demande, vais-je vous parler de science, de ciel et d’enfer ? Ma foi, à propos d’un pot-au-feu, oui ! D’un vrai pot-au-feu, et j’entre en matière.
Il y a six ans, j’étais à Madrid en plein été, et, dans cette belle Espagne, on jouit pendant trois mois d’une température de quarante degrés dans les appartements ; jugez de ce qu’est le soleil en pleine rue.
  La cuisinière espagnole, chaque jour, invariablement, me servait un puchero, mets national, fort bon, et surtout fort restaurant ; quand je l’avais avalé, c’est le mot, j’éprouvais, au bout d’un moment, un sentiment de bien être, une sensation interne de rafraîchissement ; je viens donc vous communiquer la recette du puchero.
  Choisissez une bonne marmite en terre bien vernie (ayant déjà servi) ; placez la dans les cendres, enterrée au deux tiers.
  Faites bouillir quatre litres d’eau à petit feu.
  Commencez par mettre deux livres de bœuf, écumez le pendant une heure.
  Puis ajoutez une bonne poignée de garbonzos (pois chiches, pois sésés) ; il faut avoir soin de les mettre tremper dès la veille dans de l’eau pure afin qu’ils se gonflent bien.
  Deux heures après, ajoutez encore une demie livre de petit salé, une garniture de carottes, un poireau, un bouquet de persil et cerfeuil, et une gousse d’ail.
  Puis enfin, trois quarts d’heure avant de servir, mettez une tranche de jambon de trois quarts, un morceau de courge jaune comme de l’or, qui, en cuisant, devient transparente comme de l’ambre.
  Poivrez bien le tout. Préparez un assez grand nombre de fines rôties sur lesquelles vous versez le bouillon au travers d’une passette ; laissez le pain se gonfler cinq minutes.
Sur un plat creux, arrangez avec symétrie vos légumes, placez le bœuf dans le fond, puis le petit salé, et le jambon avec une couronne de courge.
  Mangez ce pêle-mêle (puchero) avec sécurité et arrosez-le avec du bon vin.
  Ceux qui auraient de la difficulté à se procurer des garbanzos, peuvent les remplacer par des pos frais ou secs, suivant la saison. Y vamos á comerlo



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