mercredi 21 septembre 2011

Monsieur de Phocas a vécu, Jean Lorrain est mort...

  
  Monsieur de Phocas a vécu, Jean Lorrain est mort...
  Perte égale et double pour les lettres et les arts dont il fut le magnifique amant. Littérateur érudit, styliste originale, observateur subtil, il avait le don de l'image et la notion des couleurs. Jean Lorrain eut sa manière, mieux, il l'imposa. Ceux qui en méconnurent l'esprit en estimait la valeur ; il n'est pas donné à tous d'en savourer le charme. Charme dangereux comme celui qui émane de certains regards de femmes, comme le parfum troublant qui s'exhale de certaines corolles de fleurs. Il ne faut point respirer trop celles-ci, il est prudent de se soustraire à l'influence de celles-là. Mais pour qui est avide de connaitre, de savoir, de sentir, il n'est de poison nulle part ou bien il en est partout. Tout dépend du lecteur et de sa mentalité particulière. Aux poètes de détourner nos regards de la réalité, pour nous montrer le Rêve, aux poètes les doux mensonges et les pieuses erreurs... Jean Lorrain a étudier le Vice sous tous ses aspects, avec la patiente investigation du médecin recherchant les causes du mal qui fera l'objet de sa thèse. Il s'est intéressé aux cas pathologiques les plus exceptionnels sans jamais formuler d'ordonnances, sans jamais prescrire de remèdes.  Pourquoi ? Parce que dans la plupart des cas il traitait des incurables. Le Vice errant, comme les Crime des riches, ont été merveilleusement définis par ce maître analyste des âmes inquiètes et des esprits troublés. Le diagnostique établi, sa mission était terminée. Qu'eût-il pu tenté pour d'impossibles guérisons.  M. de Phocas lui-même ne voulait pas guérir.
  Le nouveau livre, livre posthume Le Tréteau, que publie l'éditeur Jean Bosc aura le succès réservé à tous les ouvrages de Lorrain. Il y est question de mœurs théâtrales et le théâtre passionne surtout ceux qui n'en font pas ou se demandent ce qui se passe dans les coulisses. 
  Le poète qui magnifia les splendeurs de l’Âme antique est désormais inaccessible et sourd aux vaines comédies de l’Âme moderne mais si notre souffle chuchoteur frole, non sans tristesse, la couche funèbre où enfin repose son esprit si tourmenté par la vie, notre mémoire plus silencieuse garde le souvenir ému de celui que rien ne saurait plus émouvoir...

Emile d'Arnaville
La Revue Illustrée, 20 novembre 1906

Première véritable biographie de Lorrain actuellement en vente à la librairie

vendredi 2 septembre 2011

Charles Meunier, relieur et éditeur

 

Reliure de Meunier, cuir incisé, pyrogravé et mosaïqué sur le premier plat
Léopold Carteret, nous présente le relieur-éditeur Charles Meunier (1866-1948) :


« Charles Meunier a été un fervent de la reliure moderne. Il a débuté comme apprenti doreur chez Gustave Bénard, le restaurateur de vieux livres, puis, il entra chez deux excellents doreurs, Domont et Maillard ; enfin chez Marius Michel pour peu de temps. Aussitôt établi, très jeune encore, il a apporté son concours de doreur spécialiste et décorateur aux relieurs comme David père et fils, Pétrus Ruban, Pagnant et Michel Ritter.
Impressionné par l’époque de 1885 à 1900, son but a été de se lancer dans une note moderne : décors et cuirs incisés qu’il a exécuté en grand nombre, cherchant sa voie et exposant chaque année au salon du Champ de Mars ; la fréquentation des artistes de ce temps le dirigea vers l’édition d’art à tendance moderne. […] »



Il offre sa collaboration et participe à de nombreuses sociétés de bibliophiles : Le Livre d’Art, Les amis du livre moderne, Les femmes bibliophiles, Les bibliophiles de Flandre etc.

Au début des années vingt, il fonde le cercle Grolier dont il est l’unique animateur.
Reliure réalisée pour Grolier sur  le Songe de Poliphile






« Meunier réunit un groupe d’amateurs et fonde sous le nom du célèbre bibliophile de la Renaissance Jean Grolier, grand amateur de reliures, une société qui publia les ouvrages suivants :
Baudelaire, Les fleurs du mal avec 50 eaux-fortes originales de Lobel-Riche, 1923
Dorgelès, Les croix de bois et Boulle de gui, illustrations et eaux-fortes de Charles Fouqueray,1925





Louys, Aphrodite, illustrations en couleurs de Paul Gervais, 1932
Poe, Histoires extraordinaires, 52 illustrations de Charles Fouqueray gravées avec la collaboration de Maccard, 1934 . »


Le trésor du bibliophile, livres illustrés moderne, T.II p. 16 et T.III p.159